La baisse du Livret A à 1,7 % au 1er août 2025 agit comme un électrochoc. D’après une enquête Bricks.co réalisée en juillet auprès de 3 201 personnes, 73 % des Français comptent modifier leur stratégie d’épargne et 82 % se disent prêts à réallouer au moins une partie de leur Livret A vers des placements plus dynamiques. Un signal fort, qui interroge la place de ce totem financier dans les portefeuilles.
Un totem populaire fragilisé
La décision était attendue : 71 % des personnes interrogées savaient qu’une baisse du Livret A interviendrait cet été. Anticipée, elle n’en demeure pas moins mal acceptée. 77 % jugent la baisse à 1,7 % « inacceptable » (39 %) ou « décevante mais compréhensible » (38 %). Seule une minorité assume sa fidélité au livret pour sa sécurité (17 %) ou y voit un levier d’intérêt public (6 %).
Surtout, ce coup de rabot sur la rémunération bouscule les habitudes. 73 % des sondés disent vouloir changer de cap : 42 % vont chercher activement des alternatives et 31 % envisagent de retirer une partie des montants déposés. Les fidèles qui ne bougeront rien représentent 19 %, quand 8 % hésitent encore. Autrement dit, le Livret A, longtemps réflexe par défaut pour l’épargne de précaution, perd de sa superbe dès lors que la rémunération s’érode.
Le discours des épargnants laisse aussi apparaître une envie d’action au-delà des intentions : 79 % se disent prêts à investir autrement – 13 % ont déjà franchi le pas, 29 % y pensent « sérieusement » et 37 % pourraient se lancer « si le risque reste modéré ». À l’inverse, 21 % campent sur une préférence absolue pour la sécurité, quitte à renoncer au rendement. Ce clivage reflète une transition : le socle de trésorerie sécurisée ne disparaît pas, mais l’arbitrage rendement/risque remonte en haut de la pile.
Quelles alternatives séduisent vraiment ?
Lorsqu’on demande où iraient les flux, l’assurance vie s’impose en tête (52 % de citations), confirmant son statut de véhicule pivot pour marier poche sécurisée (fonds en euros) et diversification (unités de compte). Vient ensuite l’immobilier sous diverses formes : locatif/fractionné (43 %) et crowdfunding immobilier (31 %), signe d’un appétit pour des revenus potentiels récurrents et la tangibilité de l’actif. Les marchés financiers progressent aussi dans les esprits : 34 % se projettent vers la Bourse (ETF, actions), tandis que les SCPI séduisent 19 % des répondants. Les crypto-actifs restent marginalisés (10 %), rappelant que la recherche de rendement ne se traduit pas par une ruée vers le très risqué.
S’agissant des montants, l’intention de bouger n’est pas symbolique. 49 % envisagent de réallouer au moins 30 % de leur Livret A ; 16 % déplaceraient plus de la moitié, et 12 % iraient jusqu’à tout transférer. À l’inverse, 18 % ne veulent rien réallouer. Ce gradient est précieux pour évaluer l’impact potentiel sur les encours réglementés : le flux sortant pourrait être significatif si l’intention se transformait en actes, d’autant que les ménages semblent mieux informés, comparent davantage et segmentent plus finement leur épargne (coussin de sécurité / projets / investissement long terme).
La perception d’avenir du Livret A reflète ce tournant. 21 % continuent de le voir comme un pilier incontournable ; 47 % jugent qu’il doit être réformé (méthode de calcul, plafond, modularité ?) ; 25 % le considèrent obsolète car « trop peu rentable ». Seuls 7 % ne se prononcent pas. Au fond, c’est moins l’outil que son positionnement qui est interrogé : livret de réserve très liquide et garanti — oui ; véhicule de performance — non.
Ce que cela change pour les conseillers (et pour les épargnants)
Pour les professionnels, la bascule annoncée appelle une ingénierie d’allocation plus lisible. Une trilogie s’impose :
1. Trésorerie de précaution (2 à 3 mois de dépenses incompressibles, plus selon les situations) maintenue sur des supports liquides et garantis ;
2. Épargne de projet (1–5 ans) orientée vers des solutions modérément risquées et fiscalement pertinentes ;
3. Investissement long terme (5–10 ans et plus) diversifié (ETF, fonds thématiques, pierre-papier) via des enveloppes adaptées (assurance vie, PEA, PER selon objectifs).
Côté particuliers, l’enquête montre que l’appétit de rendement progresse, mais à condition d’un cadre rassurant : frais compris, transparence sur les risques, horizon de placement clairement posé, et possibilité de versements programmés pour lisser les points d’entrée. Autant d’éléments qui expliquent la place centrale de l’assurance vie dans les réponses.
Reste une mise en garde méthodologique : le sondage est porté par un acteur positionné sur l’immobilier fractionné. Même s’il est conduit sur un panel large et pondéré, il capte aussi la sensibilité d’épargnants attirés par ce type d’offres. Pour passer de l’intention à l’exécution, il faudra confirmer ces tendances dans les flux observés cet automne (collecte des contrats vie, entrées sur ETF, souscriptions SCPI/crowdfunding). Surtout, la réussite de cette « réallocation 2025 » tiendra à la discipline (programmation, rééquilibrages) et à la cohérence risque-horizon de chaque portefeuille.